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1860 : tout commence avec Hammou. A 17 ans, il devient broyeur de café…

Dans son livre « Les derniers cèdres de Tlemcen témoignent » paru en 2001 chez L’Harmattan, Bougherara Hadri, l’auteur, rapporte le témoignage de Djelloul Gaouar (1896 - 1994), fils de Hammou Gaouar (1843 - 1896), le fondateur de la dynastie.

Hammou Gaouar, le patriarche. En 1860, il a 17 ans lorsqu’il devient broyeur de café et démarre un modeste négoce, grâce au soutien d ‘un oncle bienveillant.

Voici l’extrait du livre qui rend compte de la rencontre de l’auteur et de Djelloul, puis e ce même Djelloul contant l’histoire de son père, Hammou…

« Djelloul Gaouar, dit « ZIZI » est certes un vieil homme, mais cet
ancêtre, qui en a vu de toutes les couleurs, durant sa longue existence,
semble en bonne santé et tient bon encore.

Lorsqu’il m’a accueilli au seuil de sa belle demeure des cimes calmes et
ombragés d’El-Kalâa, j’en fus très surpris. En effet, au lieu d’un hôte usé
par le temps et rabougri par le poids des ans, ce fut un géant au
maintien assuré, ayant donc bon pied bon œil, qui apparut à ma vue.

J’avais l’impression en l’observant, de me trouver tout d’un coup, en face
d’un de ces cèdres centenaires, qui, il n’y a pas si longtemps, ornaient
majestueusement encore, les hauteurs verdoyantes des monts de
Tlemcen.

Naturellement, « Zizi » ne me connaissait pas, mais dès qu’il m’aperçut,
sa bonne éducation d’une époque révolue, extériorisa ses sentiments
hospitaliers. C’était en effet mon premier contact avec cet homme qui
planait allègrement sur ses quatre-vingt seize ans et en avançant pour le
saluer, quelle ne fut de nouveau ma surprise, de l’entendre alors
déclamer avec son accent chantant, par ces beaux vers d’une autre
époque, ses souhaits de bienvenue :

« Bienvenue à nos invités, qui sont venus nous visiter ! Avec des
roses nous accueillons et avec du parfum, nous encensons ! Ô
notre joie, congratulations ! Ô nos invités, bienvenue ! » …

…Le patriarche me confia ensuite, « quoique que résidant à Tlemcen, je
puis avec orgueil déclarer, que mes ancêtres sont d’origine paysanne.
D’ailleurs, si le jardin nommé Ben Feqih pouvait s’exprimer, il
témoignerait du nombre de mes prédécesseurs, qui aimèrent sa terre,
surent la travailler, la faire produire et fructifier…

… Et si je fais part ici du témoignage de ma grande sœur, qui m’a
pratiquement élevé, c’est parce que, je n’ai pas connu mon père.

Celui-ci, précocement usé, mourut quelques mois après ma naissance. Quant
à ma mère, elle non plus je ne l’ai pas suffisamment connue. Elle a
malheureusement quitté à son tour ce monde, alors que j’allai sur mes
quatre ans. D’ailleurs tout ce que je sais de mes défunts parents et des
affres de leurs privations, provient uniquement des souvenirs
douloureux, communiqués par ma bonne et chère sœur, que Dieu la
réjouisse et lui réserve un palais au Paradis. Elle garda en mémoire
jusqu’à son ultime souffle, le pénible souvenir de notre père, acceptant
toutes sortes de corvées, afin d’apporter aux siens le pain quotidien.

Un oncle bienveillant…

Bien souvent, au risque d’user gravement et prématurément leur santé,
nos parents s’astreignirent à des privations intolérables.
Un jour d’entre les jours de cette époque, alors que notre père, tel un
forçat était au travail, il fut aperçu par « Khali », son oncle
maternel. Ce proche parent passait par hasard dans le quartier du centre
de la ville, où une maison de colon, était alors en construction.

Ce qui choqua le plus ce grand-oncle, ce n’était pas le supplice de notre
père, qui, comme un esclave, soulevait avec peine des blocs de pierres,
mais de constater par lui-même les reproches violents, assaisonnés
d’épithètes dégradants dont le fils de sa sœur, était l’objet. Ces
grossièretés intempestives de la part d’un maçon étranger, aux origines
sociales non définies, blessèrent profondément son amour propre de
chef de famille.

Oui, ce que le hasard lui a fait découvrir ce jour, bouleversa tellement ce
brave homme, qu’il perdit paraît-il, le gout de manger, de boire et de
dormir.

Aussi, pour le repos de sa conscience et la défense de sa dignité, jugea-t-
il d’intervenir utilement, en ce qui concerne l’avenir de notre
malheureux géniteur.

Comment ? Eh bien, il en parla à ses intimes ! Il interrogea ses connaissances et parmi les propositions sérieuses qu’il reçut auprès de son entourage, il y avait la carrière de broyeur de café, au mortier et au pilon.
Il faut indiquer, que vu l’essor que prenait cette infusion faite avec des
graines torréfiées, broyées et tamisées, dans la société tlemcenienne de
l’époque, cet emploi artisanal, fut évidemment agrée par notre père. Et
c’est sous le parrainage bienveillant de Si Benaouda Bouchama , le
commerçant en titre du café dans la cité, que notre père entama cette
nouvelle activité.

À titre d’encouragement, ce parrain mit à sa disposition d’abord un local,
ensuite des instruments servant au broyage et au tamisage du café.
On peut honnêtement témoigner, que pour un coup de main, notre père
en reçut ce jour là, un sérieux et très profitable. Quant au local,
quoiqu’exigu, il s’ouvrait avec avantage, sur l’une des voies les plus
commerçantes de la médina. Il était situé tout simplement au
« Mawqaf », directement à côté du caravansérail du quartier.

Un « Mehraz » acheté à crédit

Au centre de cet atelier, scellé à même le sol, trônait un immense
« Mehraz », mortier taillé dans un bloc de pierre noire. C’était une œuvre
presque artistique, du tailleur de pierres bien connu en ce temps là, sous
le nom de : M’âllem Ben Guerfi. Cet artisan, pour la somme élevée à
l’époque, de quatre douros, soit 20 francs, réalisa, transporta et scella le
« Mehraz ». Puis, dans un esprit de solidarité familiale et d’encouragement, il permit à notre père de régler cette acquisition, avec des facilités de paiement.

Au début, l’activité du local familial ne traita que du broyage et du tamisage du café et les résultats quotidiens étant parfois peu consistants, faisaient décliner le tonus optimiste de notre père.
Mais heureusement que le parrain, en homme responsable, bien confiant en l’avenir, était derrière lui et n’hésitait pas de temps à autre de le secouer, en lui ordonnant :
« Oui Hammou ! Doug (broie) Al-Qahoua mon petit ! Doug, doug et doug encore ! Et dis- toi bien, que c’est toujours mieux, que ce que tu as fait jusqu’à maintenant ! »

Et quand notre brave aïeul apprit que son fils Hammou, entamait une
carrière de broyeur de café et que pour ce faire, il s’était même endetté,
son émotion et son inquiétude ne connurent pas de limite.

Plus tard, lorsque les dettes furent complètement étanchées, notre père
acheta une « Hammassa » (appareil de torréfaction) et les affaires
commencèrent à aller mieux, pour la petite entreprise de café…

…On peut affirmer, que c’est à partir de ce changement d’activité de
notre père, que la situation commença à s’améliorer dans la famille. Et
que chacun dès lors, put enfin manger à sa faim.

Un beau jour, après une recette assez importante, notre père se rendit chez le boucher Bouâmama et pour six sous, acheta le premier kilo de viande, qu’il apporta sans retard à la maison. Ce fut alors tout un événement heureux pour les siens, qui depuis bien longtemps, n’en avaient goûté…

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1912 : Djelloul Gaouar découvre "le secret des essences et de l’arôme subtil…"

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