logo-Institut-Mustapha-Gaouar

1912 : Djelloul découvre "le secret des essences et de l’arôme subtil…"

Dans son livre « Les derniers cèdres de Tlemcen témoignent » paru en 2001 chez L’Harmattan, Bougherara Hadri, l’auteur, rapporte le témoignage de Djelloul Gaouar (1896 - 1994), fils de Hammou Gaouar (1843 - 1896), le fondateur de la dynastie.

Après la publication d’un premier extrait du livre, qui rend compte de la rencontre de l’auteur et de Djelloul Gaouar, puis de ce même Djelloul contant l’histoire de son père, Hammou…

Djelloul Gaouar, au centre, entouré de Ahmed Bensid, grand-père maternel de Mounir Gaouar à gauche, et de Boussalah, leur meilleur ami, devant la première usine Gaouar, à Oujda (Maroc) en 1956.

voici l’extrait du livre qui rend compte de l’arrivée de Djelloul aux commandes du commerce familial de broyage du café, et d’une rencontre décisive pour la suite de l’HISTOIRE…

C’est Djelloul qui parle :


" Lorsqu’en 1912, à dix-sept ans, je pris enfin en main l’activité de broyeur de café au local paternel, j’y trouvai une situation moribonde, qui avait besoin d’efforts, de fonds et d’idées nouvelles. Sur le plan du rendement, les possibilités de la petite entreprise familiale, étaient largement dépassées, par celles de concurrents, venus entre-temps à cette profession.

L’adolescent plein de bonne volonté que j’étais, avait en face de lui des collègues adultes, plus expérimentés, qui en outre disposaient de moyens mécaniques modernes, pour leur travail.
De ce fait, ce que pouvait broyer en toute une journée d’efforts, le traditionnel mortier familial, un moulin à moteur ou simplement à volant
manuel, le traitait sans peine, en quelques minutes et à des prix défiant
toute concurrence. C’était là un handicap, qui, s’il ne plaçait pas la petite entreprise familiale hors circuit, la mettait néanmoins en danger permanent…

Un adage populaire assure que, « l’homme a deux vies, la sienne et
celle de ses enfants ». Et au fils appelé à prendre la relève professionnelle de son père, cette maxime ajoute, « Sanâat Bouk La Yaghalbouk », dans le sens, il faut bien apprendre le métier paternel et assimiler toutes ses ficelles, afin de réussir et de s’imposer face à la concurrence ».

Dans mon cas, puisque je n’ai pas eu la chance de connaître mon père, afin de le prendre pour modèle, ce n’est pas cet adage que je dus appliquer, mais plutôt un autre dicton aussi populaire. Ce dicton assure : « Erdjal Ber-Rdjal oua Rdjal Ba Allah », dans le sens que, les hommes se forment et s’épanouissent au contact d’autres gens de bonne volonté et par la grâce de Dieu.

La rencontre décisive avec M’âllem Arslan

Or parmi les hommes de bons conseils et de savoir-faire, que la bonne fortune a placés sur le parcours de mes débuts professionnels, il y eut M’âllem Arslan. C’était un ami syrien, qui après un long périple, l’ayant conduit jusqu’à Tanger, refit au retour, escale à Tlemcen. Cet érudit plein d’expériences, se montra aussi maître pâtissier de talent, ainsi que créateur de diverses boissons exotiques délicieuses.

Encouragé moralement et matériellement, par les fins gourmets de la
cité, ce coreligionnaire du Levant, ouvrit une pâtisserie orientale, au « Medrès ». Il faut reconnaître que les gâteaux appétissants, accompagnés de boissons aux arômes particuliers, qu’il préparait avec un art consommé, surpassaient largement en douceur et en qualité, ceux qu’on trouvait d’habitude sur le marché local. Cela faisait donc sa renommé et assurait la prospérité de son entreprise.

Son local transformé en salon de réception, artistiquement décoré et agréablement parfumé, s’ouvrant sur la place de « Saqayet Es-Sebaâ », non loin du restaurant mauresque très réputé, tenu alors par Ammi Al-Qasbi, le gargotier. Ici, les jeunes gens nantis y venaient l’après-midi, pour des apartés d’adolescents en même temps que pour déguster avec délice des confiseries aux goûts très rares. Dès le crépuscule, c’était au tour des adultes argentés de s’y donner rendez-vous, afin de boire des « Kharoube-Chiffa », des jus de pamplemousses à la banane, et de débattre agréablement avec M’âllem Arslan.

Dans ce cercle de l’honorable Levantin, devenu à l’époque, point de conjonction à la mode, il n’était pas rare de rencontrer aussi des maîtres de l’art tlemcénien. Parmi les assidus, qui venaient là presque chaque soir, avec lesquels le M’âllem aimait échanger des idées, il y en avait quatre, qu’il traitait plus en amis qu’en clients. Il s’agit de Larbi Ben Sari, El-Fekhikhry, Bousoltane Al-Ântary et l’humble serviteur, que je suis.

Avec nous, l’ami qu’il fut cédait souvent la place, à l’homme de culture, formé par la « Nahda » et au voyageur infatigable, porteur alors d’un savoir, dosé d’idées nouvelles instructives, de judicieux conseils utiles, d’anecdotes éducatives.

Connaissant parfaitement les secrets des épices et autres aromates, Arslan fut à la source de mes tentatives de recherche sur le choix des graines, les assaisonnements et les autres phases d’obtention d’un café au goût exceptionnel. Pour ce qui concerne en effet l’avenir artisanal de mon entreprise, les interventions directes de cet ami ont été des plus profitables. Il disait souvent à mon intention : « Il vaut mieux être un pionnier qui va de l’avant, en créant, qu’un gagne-petit sclérosé par la routine ». Le succès sourit toujours aux chercheurs trouveurs et non aux forçats, à
la merci d’éventuels commanditaires.

À la découverte du "secret des essences"

« Il y a sur le marché, me disait-il, plusieurs types de cafés, qui proviennent de différentes régions du globe. En procédant au mélange, selon un dosage déterminé des diverses graines, il est sans doute possible, d’aboutir à un produit particulier. Oui « Zizi », un produit à l’arôme subtil et au goût exquis. Il faut donc orienter l’action dans cette voie inconnue encore, pour découvrir le secret des essences, que spécifiquement chaque type de café possède ! »

Après une longue période de tâtonnements, jalonnée d’échecs, de demi-succès, j’ai pu aboutir au produit commercial actuel. Son arôme spécial a donné tellement satisfaction aux consommateurs, que ceux-ci sans hésiter le baptisèrent, de mon nom patronymique.

Mais aussi, pour y parvenir :

 Il fallut d’abord trouver et déterminer la température idéale de torréfaction, celle qui conserve aux graines de café leurs essences naturelles.

 Il fallut ensuit procéder au mariage des divers cafés, provenant du Brésil, de l’Arabie et des hauts plateaux d’Éthiopie, afin d’aboutir au dosage le plus favorable.

 Il fallut enfin tester les modes de broyage en usage, afin de déterminer celui qui ne chauffe pas outre mesure, les graines torréfiées. Sans conteste, le broyage au mortier, fut celui qui donna les meilleurs résultats.

Une fois le secret du café à l’arôme délicieusement subtil, dont les consommateurs locaux commençaient déjà à raffoler, découvert et précieusement enregistré, il ne restait plus qu’à lancer la production à une échelle assez importante, afin de mettre le produit à un prix défiant toute concurrence.

Pour ce qui concerne le broyage des graines, travail qui ne devait s’effectuer, que manuellement au « Mahraz », je dus faire appel à quatre solides femmes, de la tribu des Beni Ournid, auxquelles cette tâche pénible fut désormais confiée.

Je peux réellement dire, que c’est à partir de cette transformation radicale des moyens et de l’objectif à atteindre que le bout du tunnel apparut enfin et que la prospérité revint dans notre famille. Et comme me le faisait naguère remarquer, mon regretté ami Arslan, « c’était simple, mais il fallait y penser ».

Lire la suite :

- 1956 : Mustapha s’implante au Maroc et devient "le roi Gaouar du café"

Dans cette rubrique

L'événement

COFFEGA partenaire d’ACFA92 pour le Colloque ALGERIE-Le jeudi 24 novembre 2011

Paris La Défense COFFEGA INTERNATIONAL partenaire de L’Association ACFA 92, qui œuvre pour le renforcement des liens entre la France et (…)

Industrie de la torréfaction du café : Deux Algériens honorés en Allemagne

L’industriel franco-algérien, patron du Coffega, spécialisé dans le café de père en fils, Mounir Gaouar et Zahir Khier, ont eu tous les égards de (…)

Mounir Gaouar. industriel franco-algérien « Offrir à mon pays le transfert de technologies »

Né en 1955 à Tlemcen, Mounir Gaouar, diplômé de l’école supérieure de commerce de Paris et titulaire d’un doctorat d’économie à la Sorbonne, est (…)

Diaporama